Frank Ntilikina en pleine lumière
Il n’en savait rien. Dans le plus grand secret, le club avait concocté un hommage particulier en réunissant autour du président Bellon, dans le rond central et juste avant le coup d’envoi du match contre Dijon, sa famille (Jacqueline, sa maman, en tête, avec ses deux frères, Yves et Brice) et tous les entraîneurs qui ont jalonné sa courte mais brillante carrière. En plein échauffement, il a esquissé un petit sourire lorsqu’il les a vus s’avancer sur le parquet alors que le public se levait pour applaudir à tout rompre. « C’était un peu compliqué. Avant chaque match, on se prépare à aller à la guerre et cette bascule entre les émotions, ce moment très fort que j’ai partagé avec ma famille, mes coaches et le public, c’était perturbant. Mais ça restera un moment inoubliable… »
15 victoires, 0 défaite à l’Euro
Inoubliable, tout comme la semaine de rêve vécue à Samsun avec ses potes de l’équipe de France. « J’en retire plein de bonheur et surtout une énorme motivation. C’est notre deuxième médaille d’or avec cette génération ». Couronné avec les U16 en 2014, Frank Ntilikina est apparu cette fois-ci en pleine lumière, les caméras braquées sur lui et ses performances exceptionnelles : « Je retiens davantage la performance collective. Le fait d’avoir été le leader de cette équipe, d’avoir été désigné MVP, c’est du bonus. Ce qu’il faut retenir, c’est la médaille d’or de l’équipe. Ça marque tout de même les progrès que j’ai pu faire en deux ans et ça motive davantage encore pour aller travailler et devenir le meilleur joueur possible… »
« Comparé à Parker, c’est fou ! »
Pour la deuxième fois, l’équipe de France a terminé invaincue et affiche un bilan total de 15-0 aux championnats d’Europe – la compétition de la semaine dernière a été sensiblement raccourcie pour avoir été déplacée de juillet à décembre en raison des événements politiques en Turquie – et Frank ne boude pas son plaisir. Mais lorsqu’on évoque les comparaisons qui affluent avec… Tony Parker, notamment, il avoue modestement : « Je n’en reviens pas. Franchement, je n’ai pas de mots. C’est fou dans ma tête… Ça me motive encore plus pour chercher la performance. J’ai entendu parler de cette comparaison, mais je préfère ne pas trop m’en occuper. C’est Tony Parker, quand même ! Il faut que je me concentre sur la façon dont je vais faire mon propre chemin, mais cette comparaison, c’est vraiment un honneur ! »
Son coach, Vincent Collet, pragmatique comme à son habitude, est plus mesuré : « Il faut toujours être prudent. Chez les journalistes, il n’y a pas de limites. Dans mon métier, il y en a. Rien n’est impossible mais il faut être prudent… »
De même, annoncé très haut dans la prochaine draft NBA, Frank voit cet avenir avec beaucoup de recul et de maturité : « Honnêtement, je ne pense pas à tout ça. J’en entends beaucoup parler, on me pose beaucoup de questions, mais je suis plus concentré sur les événements qui arrivent, le match de Ténérife et la suite de la saison avec Strasbourg. La NBA, c’est trop loin pour y penser déjà et je préfère rester focus sur ce qui m’attend prochainement… Vincent Collet, toute l’équipe et mon entourage m’y aident ».
Toujours aussi lucide, il jette aussi un regard attendri sur les coaches qui ont marqué son parcours, d’Étienne Schutz (St-Joseph Strasbourg) à Vincent Collet, en passant par Abdel Loucif, Lauriane Dolt ou Olivier Weissler : « J’ai été très chanceux. Ils m’ont tous apporté un aspect différent de la personne que je suis aujourd’hui sur et en dehors du terrain. S’il fallait dire lequel a été le plus important, je ne saurais pas répondre. Ils m’ont tous apporté énormément de choses ».
Un retour douloureux
Après tant d’émotions, il n’était pas évident de retourner au charbon de la ProA pour retrouver ses équipiers et les aider à effacer deux échecs de suite, à Monaco et à Chalon. « Mon match était un peu à l’image de celui de l’équipe… Physiquement, on était fatigué. On a fait les efforts pour arracher la victoire avant le break. On manquait d’énergie, de jambes ». Un sentiment confirmé par Vincent Collet : « Il y a la fatigue, c’est vrai, il a tout de même joué 6 matches à 33 minutes en moyenne en 7 jours, et il avait un peu mal à l’aponévrose. Mais je voulais le réintégrer tout de suite. Je ne me fais pas de souci pour la suite. On sentait depuis trois semaines, avant son départ pour l’Euro, qu’il était en train de franchir un vrai cap. Je suis plutôt confiant, ça va continuer à la rentrée. La première raison qui t’enlève un peu d’agressivité, c’est le bonheur. Et la première valeur dans le sport de haut niveau, c’est justement cette agressivité. La très belle ovation qu’il a eue et qu’il a méritée, forcément, a eu des répercussions. Ce n’était pas facile à gérer », dit le sélectionneur qui peaufine jour après jour sa pépite.
Paul Lacombe, son coéquipier, confirme, tout en avouant que toute l’équipe a suivi son parcours de près : « A Ostende, nous avons suivi ses matches. On n’a pas pu voir la demi-finale parce qu’on était à l’entraînement. Pendant la finale, on a crié dès qu’il marquait un panier. On était très content pour lui. Il faut qu’il rebascule et c’est compliqué. Le petit break va lui faire du bien pour revenir sur terre… Il a 18 ans et il reçoit beaucoup d’honneurs. J’aurais été dans le même état à sa place ».
Place au All Stars Game
Avant de retrouver Ténérife pour un match très important de Champions League, Frank Ntilikina va faire un tour à Bercy, ce jeudi, puisqu’il a été retenu pour le concours des meneurs du All Stars Game. L’ovation de Bercy après celle du Rhenus ? « C’est le All Stars Game ! C’est énorme… Je n’en reviens pas. Lorsque j’ai appris que j’ai été sélectionné, j’étais super content. Comme je n’avais pas trop prévu de couper le basket pendant la mini-trêve, je vais aller là-bas et je vais bien m’amuser. Ça risque d’être stressant devant tant de spectateurs et on peut rater une petite passe facile… »
Et puis très vite, il sera à nouveau confronté à la réalité du (très) haut niveau. « Il va avoir un rôle important dans les semaines et dans les mois qui viennent, insiste Vincent Collet. On va avoir besoin de sa progression. Pour que l’équipe de Strasbourg s’améliore, il faut qu’il ait de plus en plus d’impact dans notre jeu. C’est tout le mal que je lui souhaite et que je nous souhaite ».
Le plus joli compliment, peut-être, de tous ceux qu’il a entendus ces derniers jours !